Testo mail 2 - Prerface - Colette - Une vie remplie de gourmandises de Graziella Martina

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« La femme se retire d’un art qui a toujours été le sien – écrit Colette – et bientôt, même si ce ne sont pas les recettes qui manquent, ce seront les cuisinières qui feront défaut». Certainement, les cuisinières au sens propre du terme comme elle l’entendait sont en voie d’extinction, ou peut-être ont même déjà complètement disparu. Elle parle de celles qui étaient dépositaires d’un vrai savoir transmis au cours des siècles, en possession d’un instinct divinateur qui leur permettait de savoir la durée exacte de cuisson sans avoir besoin de montre ou la quantité précise d’assaisonnement à ajouter sans avoir besoin de balance, de celles qui étaient capables d’opérer des miracles dans ce lieu magique et mystérieux qu’était la cuisine.

Même les lieux ont changé où « ce qui se fait entre le moment de mettre sur le feu la casserole, la bouilloire, la marmite et tous leurs contenus, et le moment où, plein de douce anxiété et de voluptueuse espérance, on soulève le couvercle de la casserole fumante sur la table, moment rempli de mystère, de magie, de sortilège... » comme elle écrit dans Prisons et Paradis.
La cuisine est devenue un lieu de technologie, rempli de machines et d’appareils électriques et électroniques. Depuis toujours elle fut au centre de la maison, témoin des joies et des peines – combien de films n’a-t-on pas vu où, au moment d’une naissance, on demande aux personnes présentes d’aller faire bouillir de l’eau à la cuisine? – elle fut le cadre de la vie de famille. On vivait à un autre rythme. Malheureusement aujourd’hui celui qui est aux fourneaux n’a souvent qu’une seule préoccupation: gagner du temps. On veut des recettes faciles, des formules simples, des plats déjà prêts auxquels il n’y a plus qu’à ajouter une dernière touche personnelle en utilisant des produits de base tout faits. Il n’y a qu’à voir comment sont les livres de cuisine, toujours plus minces, souvent traitant d’un seul thème, avec un seul type de plat ou de produit: les risotto, les salades, les œufs, les tomates, la courge, les soupes...

La technologie toujours plus sophistiquée permet la conservation des aliments, ce qui contrariait Colette, une inconditionnelle des produits frais. Les denrées alimentaires proviennent de pays toujours plus éloignés, au détriment d’une agriculture de proximité et de la consommation des produits du terroir. Et ceci n’est pas seulement valable pour les fruits et légumes. «
Le poisson grillé, arrosé d’huile d’olive vierge et de vinaigre rosé» duquel nous parle l’écrivain provenait de la Méditerranée, tout comme les mulets flambés au fenouil, tandis que les carpes à la broche avaient été pêchées dans les fleuves de la région. Aujourd’hui nous mangeons du poisson provenant de la mer de Chine ou du Japon et des crevettes de rivière qui nous viennent au minimum de l’Australie. Il est vrai que les aliments ont toujours voyagé – les pommes de terre, les poivrons, les tomates ne sont certainement pas des produits d’origine européenne – mais aujourd’hui la globalisation a atteint des sommets incomparables. La puissance d’internet rapproche désormais des producteurs de consommateurs qui vivent à l’autre partie du globe!

Colette vivait en véritable autarcie, favorable à une alimentation liée à la tradition et à la production agricole locale. Pour cette raison elle mange avec délice le couscous au Maroc, qu’elle décrit avec sentiment et passion. Mais la tradition doit être authentique et l’expérience réelle. Elle se jette avec véhémence sur le rustique factice, sur les recettes dites « familiales » et sur la rhétorique de la cuisine à l’ancienne. Elle n’est absolument pas de l’idée que le mouton avec les pommes de terre doive être nécessairement consommé derrière un rideau à carreaux rouges, assis sur des planches de bois inconfortables. Et elle déteste le dilettantisme de ceux qui s’improvisent cuisinier, laissant tomber ici et là une pincée de curry ou une petite cuillère de cognac... «Ouvrez les yeux lorsqu’un de vos amis se découvre soudainement une religion filiale. Méfiez-vous des ancêtres qui, dans la salle à manger, prennent une importance que jusqu’alors rien n’avait laissé présager...»

Colette lutte aussi pour la variété des fruits et légumes locaux. «Les pomologues ne sélectionnent que deux types de pommes: les rouges, insipides comme un légume cru, et les blanches à la saveur aigre-doux. Ils se soucient plus du calibre, de la conservation et du moyen de transport que du goût.» On a l’impression d’entendre les discours de Slow food d’aujourd’hui.

Actuellement la cuisine saine, light et en petites quantités a contribué à alléger la gastronomie, tandis que la préoccupation des régimes – la « névrose de la maigreur» selon la définition de Colette – bannit totalement l’usage des ingrédients comme le lard et le beurre, très utilisés dans la cuisine traditionnelle. « Le jour où nous faisions des provisions de beurre fondu pour l’hiver, je prélevais moi-même la mousse qui montait à la surface du beurre en ébullition pour qu’ensuite il se clarifie dans la grande bassine de vingt litres. Ma nourrice le malaxait avec du sel et de la farine puis le mettait dans le four... Où puis-je retrouver aujourd’hui ce même goût rustique, un peu âpre, cette même consistance sableuse que les galettes? Nulle part.»

Mais si la nourriture que nous mangeons a changé, l’importance centrale qu’elle occupe dans notre vie de tous les jours est restée invariable. On a vu se multiplier les programmes télé, les rubriques dans les journaux et le nombre d’intellectuels qui dissertent sur les qualités et défauts d’un plat, comme ils le feraient au sujet d’un livre.  Les grands chefs sont considérés comme des stars, les aliments sont des status symbol, et certaines marques de vins et de fromages ont la même importance que les griffes de mode. Au milieu de toute cette confusion, souvenons-nous de la leçon de Colette, de son amour pour les produits frais et sains, de son horreur pour les choses étranges et les mélanges excentriques, de son goût passionné pour le parfum des herbes et des épices et de la recherche de l’harmonie et de l’équilibre dans les saveurs de chaque plat. Une leçon valable aujourd’hui et pour toujours.


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